
Dowino : Quand jeu vidéo rime avec engagement
Entretien avec Jérôme Cattenot, DA et cofondateur, et Marine Danjou, Chargée de communication.
Depuis 11 ans, Dowino, basé à Villeurbanne, incarne une vision unique du jeu vidéo, centrée sur l’impact social et environnemental. Ce studio, spécialisé dans le game for change, crée des jeux, des films d’animation et des outils numériques pour aborder des sujets à fort impact social tels que le handicap, le développement durable et la RSE ou encore la santé publique.
« Dès la création du studio, il y avait cette envie de traiter des sujets sociétaux qui nous semblaient importants, et la question de l’écologie en fait partie » explique Jérôme Cattenot, cofondateur et directeur artistique.
Une écoresponsabilité au cœur des actions
Pour Dowino, l’écologie dépasse le cadre d’un simple engagement. « Elle s’intègre dans une
réflexion éthique qui relève plus de la RSE, au sens global » précise Jérôme.
Il souligne : « Tu peux être super au niveau écologie, avoir fait ton bilan carbone, faire attention à
tes serveurs, mais si tu sous-traites dans un pays où les gens sont mal payés et privés
de certains droits fondamentaux, il y a un petit problème ».
Cette attention particulière aux réflexions éthiques fait partie de l’ADN du studio, comme
l’explique Marine Danjou, Chargée de Communication : « À la base, le studio est là pour avoir de l’impact social. Donc, si on ne prend pas en compte ces sujets dans nos réflexions, ce serait antinomique ».
Ce positionnement a conduit à l’obtention du label Numérique Responsable niveau 1, fruit
de deux années d’engagements concrets et d’actions structurées. L’écoconception a été placée au cœur de la stratégie, avec la mise en œuvre de solutions légères et économes en énergie.
Un bilan carbone, prévu en 2025 grâce à l’outil Jyros, permettra de mesurer avec précision l’impact environnemental.
Pour ancrer ces pratiques durablement, les équipes vont être formées au numérique
responsable dès leur arrivée. Une politique d’achat éthique a également été instaurée,
intégrant le suivi et le recyclage du matériel qui se met en place. Enfin, cet engagement s’étend au collectif, notamment par la participation à des initiatives telles que le Digital Cleanup Day, une journée de sensibilisation à l’impact du numérique.
Toutefois, le studio adopte une approche humble : « On ne donne aucune leçon. Il n’y a pas
de diktats. C’est un peu délicat pour nous de prendre un rôle d’ambassadeur sur ces
questions environnementales, parce que l’approche de ce sujet est propre à chaque studio. À notre échelle et avec notre modèle d’organisation, c’est plus facile d’impulser des
changements » nuance Jérôme.
L’éco-conception, une alliée de la créativité
Dans ses productions, Dowino applique les principes de l’écoconception dès les briefs clients : « C’est assez souvent qu’on va déconseiller à un client de faire quelque chose, on va l’amener vers des solutions plus simples, moins gourmandes en temps et en énergie, et réorienter le budget vers des aspects créatifs. »
Le studio travaille notamment avec des technologies web pour réduire l’empreinte de ses jeux et optimise minutieusement ses assets numériques. Mais cette frugalité technique peut entrer en tension avec leur vision créative :
« Les sujets qu’on adresse demandent aussi que le jeu propose quelque chose de cool visuellement, parfois l’optimisation impose de renoncer à certaines choses, ou de trouver des alternatives. » confie Jérôme.
Cette recherche de cohérence ne se limite pas à l’aspect technique : elle s’étend également à l’approche narrative, véritable pilier des productions de Dowino, qui permet d’explorer des thématiques riches et engagées.

Narration et sensibilisation : le jeu vidéo comme outil éducatif
Le jeu vidéo, en tant que médium d’engagement social, occupe une place de choix dans les productions de Dowino. Au cœur de cette approche, la narration devient un vecteur essentiel pour aborder des sujets engagés et porteurs de sens.
Pour Jérôme, l’écologie est une thématique particulièrement adaptée à l’univers du jeu vidéo :
« L’écologie, c’est une super thématique à traiter. Ça se prête à énormément d’histoires : dystopies, uchronies, utopies… Les enjeux environnementaux se scénarisent très bien. »
Fort de son expérience, Jérôme a également participé au guide Screen of Tomorrow, une initiative visant à inciter les scénaristes et producteurs de jeux vidéo à se questionner sur la place des thématiques sociales et écologiques dans leurs créations.
Il poursuit :
« Parmi toutes les œuvres d’art, le jeu vidéo offre une telle diversité qu’on peut toucher tous les joueurs. Ça donne peut-être une sorte de responsabilité au jeu plus qu’à un autre média. »
Cette diversité permet au jeu vidéo de jouer un rôle unique, en rendant l’apprentissage et la sensibilisation accessibles tout en offrant une expérience immersive.
Marine, de son côté, insiste sur l’importance de l’impact social du jeu vidéo face à la crise écologique, qui est désormais un enjeu majeur pour la société :
« 82% des français attendent des actions concrètes de la part des organisations sur les questions de responsabilité. Le jeu vidéo a clairement un rôle central dans le changement de comportements et la sensibilisation. Et on voit que ça marche. » (Source : Baromètre de la consommation responsable – Greenflex / Ademe)
Ce constat renforce l’idée que le jeu vidéo n’est pas seulement un outil de divertissement, mais qu’il peut aussi être un puissant levier pour impulser des prises de conscience et influencer positivement les comportements des joueurs.

Les défis d’une démarche durable
Malgré leur engagement sincère envers une approche durable, Dowino reconnaît qu’il reste des obstacles importants à surmonter, notamment en termes de ressources humaines et de gestion du temps :
« En tant que petit studio, nos plus gros freins vont être les moyens (temps humain, financiers). Ce sont des sujets qui nous tiennent à cœur, sur lesquels on a envie d’avancer, mais il y a un moment où le temps devient problématique, » confie Marine.
Pour Jérôme, il faut trouver un équilibre entre l’envie d’avancer et la faisabilité : « Le choix qu’on a fait, c’est de décaler des choses, de rester réalistes. Nous devons prioriser ce qui aura le plus d’impact ».
Une gestion pragmatique et réfléchie, où la recherche de solutions durables doit s’inscrire dans un cadre réaliste pour préserver la santé et la motivation des équipes. Malgré ces efforts, Jérôme reste lucide sur les progrès à accomplir : « On est loin d’être parfaits ! Quand on regarde ce qu’on fait déjà, ça a l’air bien, mais il nous reste encore beaucoup de choses à faire ».
Vers une industrie plus verte
Les deux intervenants partagent une vision optimiste de l’évolution de l’industrie du jeu vidéo vers une approche plus durable. Pour eux, la prise de conscience écologique devient de plus en plus incontournable, tant au niveau des créateurs que des joueurs.
Jérôme conclut : « L’écologie est une thématique qui va de plus en plus s’intégrer dans les jeux. Ça devient une opportunité stratégique, de différenciation, et non une contrainte. »
Il souligne également le rôle clé des politiques publiques :
« L’éco-conditionnalité des aides du CNC est un vrai coup d’accélérateur. Ça met en lumière que l’écologie ne peut pas se passer d’actions politiques. »
Pour rappel, à partir du 1er mars 2025, les studios de jeu vidéo devront fournir un bilan carbone prévisionnel pour demander les aides à la production du CNC. Ce tournant législatif pourrait marquer un avant et après pour les studios, les poussant à intégrer ces pratiques dans leurs processus créatifs.
Marine partage cet optimisme :
« On commence à entrer dans un cercle vertueux, qui va finir par ancrer ces thématiques à la fois dans les politiques, dans les jeux et chez les utilisateurs. »
Elle évoque également l’impact positif d’une telle transition sur la réputation des studios et la fidélité des joueurs, qui, de plus en plus, attendent un engagement dans des démarches responsables. Cette évolution pourrait aussi ouvrir la voie à une nouvelle génération de créateurs passionnés par la durabilité, alliant innovation et responsabilité.
Au-delà de la sensibilisation, le jeu vidéo comme toute autre forme d’art a ce pouvoir de créer des imaginaires. Si ces derniers étaient autrefois tournés vers un monde technologique, on assiste aujourd’hui à une transformation positive de ces imaginaires, vers des projets plus durables et viables.
Dowino incarne une vision du jeu vidéo alliant créativité et responsabilité sociale. Le studio démontre que le jeu vidéo peut être un outil puissant pour sensibiliser aux enjeux écologiques et sociaux, tout en offrant des expériences immersives et engageantes. Bien que des défis demeurent, notamment en termes de ressources humaines et de gestion du temps, le studio reste optimiste quant à l’évolution de l’industrie vers une approche plus durable. L’engagement de Dowino montre que l’éco responsabilité n’est plus une contrainte, mais une opportunité stratégique pour créer des jeux qui ont du sens, à la fois pour les joueurs et pour la planète.